SEDE VACANTE 1799-1800

(August 29,1799 — March 14, 1800)


 

Charles van Duerm, SJ, Un peu plus de lumiere sur le Conclave de Venise et sur les commencements du Pontificat de Pie VII. 1799-1800 (Louvain: Ch. Peeters 1896), pp. 272-277, no. XXXIII   [translation into French by Duerm; he does not print the original document]:

 

Cardinal Herzan to Baron Thugut

(March 22, 1800)

 

Excellence,

Le Saint-Père a su, par un secrétaire ou par un autre employé de l'administration civile, que le couronnement du pape, qui a lieu à l'issue de la solennité projettée, était le motif mis en avant par l' administration pour empêcher que la cérémonie se fit à Saint-Marc, mais qu'on la permettrait à Saint-Georges parce que cet endroit n'était pas regardé comme faisant partie de la ville.  Là-dessus le Saint-Père m' a envoyé le cardinal secrétaire d'État intérimaire, chargé de me dire que S. S. se trouvait dans le plus grand embarras parce que tous les préparatifs étaient faits pour que la cérémonie eût lieu dans l' Eglise de Saint-Marc.  S. S., me dit le secrétaire d'État, ne pouvait supposer qu'un acte semblable fût de nature à causer du déplaisir à S. M. l'empereur puisqu'il était tout spirituel et que rien de temporel n'y était mêlé, comme il ressort clairement de la formule des prières usitées in cette occasion.  En effet elles ne parlent que de son ministère comme chef de l'Eglise, comme pasteur et père commun de tous les souverains.  Toutefois, si je pensais qu'il dût dèplaire à l'empereur de voir célébrer cette solennité à Saint-Marc, comme le Saint-Père ne désire rien tant que de rester dans les meilleurs termes avec S. M. et d'user de tous les moyens pour mériter ses faveurs, puisqu'il fonde tout son espoir sur la protection impériale, S. S. prétextera une indisposition.  Il est probable qu'on ne s'y méprendra guère et que S. S. y trouvera un sujet d'humiliation.  N'importe, il passera outre.

Cardinal Franz Herzan z HarrasJe me suis informé s' il avait reçu quelque communication du gouvernement impérial royal.  Le cardinal me donna une réponse négative et me dit qu'il ne lui avait fait à ce sujet aucune ouverture et qu'il n'avait pas même songé à lui présenter ses hommages.  Je fis observer alors qu'il ne fallait pas, à mon avis, aller en avant, sur la parole vague d'un employé subalterne de l'administration.  De plus, que la vénération très grande de S. M. pour le chef de la Religion, vénération dont il avait donné une preuve si manifeste en permittant que l' élection se fit dans ses propres États, me faisait croire que cette cérémonie sacrée, qui a toujours lieu quelques jours après l'élection, ne lui serait en aucune façon désagréable.  Quand même elle soit appelée couronnement, elle n'est pourtant en réalité pas autre chose que l'imposition de la tiare, insigne du suprême pontificat comme la mitre qu'on impose aux évêques est l'insigne de leur dignité et de leur office de pasteur.  La manifestation de la souveraineté se trouve dans la possession solennelle qu'il prend ensuite, avec grande pompe, dans la ville de Rome.

Cette réponse, qui, comme j'en suis convaincu, est dictée par la vérité, a toujours pour base le même principe.  Nous voulons exciter dans le pape une confiance parfaite et entière in S. M. Il ne convient donc pas, à mon jugement, que notre gouvernement impose cette humiliation à S. S.  Ceux qui sont mal intentionnés pour notre Cour ne mettraient que trop à profit pareille faute.

Il me faut encore faire remarquer que cette cérémonie sacrée du couronnement doit précéder l' expédition des brefs aux princes, ainsi que le consistoire de remerciements et de congé que tous les cardinaux, et surtout ceux de l'Ordre des évêques, appellent de tous leur voeux afin de pouvoir retourner dans leurs diocèses respectifs.  C'est dans ce consistoire que le Saint-Père pourvoit aux églises épiscopales vacantes.

Le cardinal doyen et le cardinal Braschi, qui se laissent conduire par le cardinal Maury, ont fait faire au pape de fausses démarches.  Elles n'ont toutefois par de rapport avec le service de S. M.  Je m'en réjouis, et, pour parler à V. Exc. en tout abandon, je mettrai la circonstance à profit afin de mettre le pape en garde contre leurs conseils et afin de leur enlever, s'il est possible, toute la confiance qu'il a placée en eux.

S'il plaisait à S. M. d'accrediter un ministre près du pape, pendant que je me trouve encore ici, je le mettrais au courant des affaires. Dans le cas contraire, je ferai à V. Exc. un rapport detaillé de la situation, le jour où j'aurai le bonheur de lui présenter mes hommages.  A cette occasion, je soumettrai à son jugement éclairé des observations et les moyens d' établir cette confiance réciproque entre S. M. et le Saint-Père, afin de parvenir au but que dans votre profonde sagesse et dans votre zèle pour la gloire et le service de S. M. vous jugerez convenable de poursuivre.

Grâce aux  excellentes dispositions prises par M. le général commandant Montfrault et par M. le chevalier Quirini, la fonction sacrée a eu lieu, sans qu'on ait à déplorer le moindre accident et avec toute la pompe que permettait l'exeguité de l'emplacement.  J'ai pourtant beaucoup suffert du froid intense qui règne dans ce beau temple.

M. le cardinal Caqprara a l'honneur d'écrire à V. Exc. afin de la prier de vouloir lui faire rendre les biens de l'abbaye de Sainte-Marie des Grâces à Bologne, dont il a la jouissance.  Il m'a demandé mes bons offices auprès de V. Exc. et je les lui ai promis. Par ce rapport, je m'acquitte de ma promesse, car, comme je dois l'inférer des discours du cardinal, sa démarche est conforme aux mesures prises par V. Exc. dans des cas analogues.

Avec le plus grand respect je baise affectueusement les mains de V. Exc.

De votre Excellence,  Le serviteur très affectionné,

F. Card. d'Herzan

Venise 22 mars 1800.

 

P.S.  au numéro XXXIII.

Je reçois à l'instant la très estimée dépêche de V. Exc. en date du 15 courant.

Les réflexions qu'elle veut bien me faire par rapport au mémoire, obtenu en cachette et secrètement envoyé à V. Exc. ne souffrent point de réplique.  J'ai la satisfaction d'avoir émis des considérations analogues, mais seulement académiquement, à tous ceux qui m'ont parlé a ce sujet.  J'ai cité l'exemple de la Silésie, de toute la monarchie espagnole, de Naples, de la Sicile, qui tous évidemment n'ont été cedés qu' à la suite de revers essuyés à la guerre.  On se contentait de me répondre que la Maison d'Autriche était une Puissance qui avait toujours sur pied une armée considérable tandis que le pape était desarmé. Je fis remarquer que quand la force des armes n'était pas suffisante pour arrêter l'ennemi cela équivalait à ne pas en avoir.  Mais, je le répète, tout ceci n'était qu'un discours académique, fondé, comme je le disais, sur les connaissances du droit des gens que moi j'ai approfondi, mais que les occupations du cardinal Borgia ne lui avaient pas donné le loisir d'étudier.

Au reste, quels que soient les principes du cardinal Borgia et de tout autre, ce qui n'a guère d'importance, il n'en est pas moins vrai que nous avons un pape dont j'ai bonne opinion.  Il a donné des preuves non équivoques de sa prudence dans les rapports qu'il a eus avec les Français.  De jour en jour, il me laisse voir davantage qu'il a confiance en l'empereur et qu'il veut ne rien épargner pour se mériter sa protection et sa faveur.  De plus, j'espère affaiblir et peut-être détruire la bonne opinion que S. S. a de quelques sujets qui ne sont dévoués à S. M. qu'en paroles seulement.

La résolution, dont j'ai parlé dans ma Réservée au numéro XXIX, prise dans un moment critique ou je me trouvais a produit deux bons effets.  Le premier: elle a empêché l' élection du cardinal Borgia qui avait déjà neuf voix.  Le second: le pape croit me devoir son élection, ce qui fait qu'il m'honore de sa confiance.  J'ai fort à coeur d'augmenter celle-ci le plus possible mais uniquement pour servir notre auguste monarque.   C'est pour le même motif que j'ai cru devoir répondre comme je l'ai fait a la demande que me fit le pape et dont j'ai parlé dans ma relation de ce jour.  C'est encore dans le même but que j'ai prié le Saint-Père de me consacrer, quoique je m'attire de ce chef de graves difficultés, car de la sorte je prolonge mon séjour ici et je me mets dans l'impossibilité de faire face à mes dépenses.

La réponse de V. Exc. à Mgr Ruffo et à Mgr Albani aura joliment déconcerté.

Quelqu'un m'a dit que Mgr Despuig avait remis en cadeau au pape la somme de 40,000 scudi et qu'il a assuré que le roi son maître pousserait la générosité jusqu'à lui en donner 400,000. Ce dernier détail est vrai, mais quant au cadeau déjà remis au pape, le fait paraît manquer de fondement, car Mgr Despuig lui-même m'a dit en confidence qu'il vivait d'aumônes et qu'il avait des dettes contractées en partie pendant son épiscopat.  C'était un effet de sa charité envers les pauvres, charité indispensable à un évêque, mais qui le met souvent dans de grands embarras.

Je suis...

F. card. d'Herzan

Venise 22 mars 1800.

 

 


 

 

 

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May 16, 2014 6:52 PM

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