SEDE VACANTE 1669-1670

December 9, 1669—April 29, 1670




Baron Carl Nils Daniel de Bildt, Christine de Suède et le Conclave de Clément X (1669-1670) (Paris: Plon 1906), 239-247 no. 5:

 

Report of the Duc de Chaulnes to Louis XIV

(February 11, 1670)



Pour rendre compte ensuite à V. M. de l’état de ce Conclave, j' aurai l'honneur de lui dire que les factions sont toujours fermes dans les mêmes unions, et celle de V. M. dans son poste. A l’égard du détail, je vois. Sire, plus d’embrouillement que jamais dans la discussion de ces affaires, desquelles le dénouement ne me parait que fort long, et très difficile par la diversité des partis qui se rencontrent en chaque ligne, qui se font encore plus de tort que leurs propres ennemis, par les exclusions qu`ils fomentent les uns contre les autres. Ce que je puis faire savoir à V. M. de plus positif, et de plus de conséquence, est, Sire, que tout roule présentement sur la faction de Chigi, lequel est toujours dans la même union avec l’Espagne, mais bien plus dans la confidence avec Médicis, que dans celle de l`Ambassadeur d`Espagne, et comme le Cardinal de Médicis n’a pour objet que le Cardinal d`Elci, et qu’il ne veut pas perdre l`argent qu’il a distribué dans le Conclave, il n`y a rien qu`il n’ait fait cette semaine pour cette exaltation. Un volume ne contiendrait pas toutes ses relations et ses intrigues, dans lesquelles ayant su deux choses considérables, l'une, que l`on faisait dire ii l’oreille que la France concourrait, et l`autre que par l`argent et les ruses cette affaire était plus avancée que jamais, plusieurs Cardinaux étant revenus à lui, je pris hier la résolution de ruiner cette négociation, et pour le faire avec quelque hauteur, je résolus d’en faire parlerau Cardinal de Médicis qui se faisait le chef de cette entreprise, et (croyant qu’il était de la prudence de garder quelques égards avec lui) de le faire d`une manière qu’il n’eût pas à s'en plaindre.

Je rendis compte à V. M. par ma derniere dépêche, comme pour arréter un peu le dit Cardinal, sur les premières lumières que j’eus de sa conduite, je lui avais fait connaitre indirectement par Maffei, à un de ses Conclavistes, que cette déclaration de chef de la faction d’Espagne, sans aucun titre ou d’Ambassadeur, ou de Protecteur, (dont avaient toujours été pourvus ceux de sa maison quand ils s’étaient déclarés) pouvait faire douter un peu des sentiments qu’iI témoignait conserver pour V. M. (Le dit Cardinal ayant fait à l’extérieur plusieurs expressions à tous les Cardinaux Français, des égards qu’il avait toujours pour les volontés de V. M. faisant pourtant sous main le contraire), sur quoi le dit Cardinal ayant pris feu au rapport de son Conclaviste envoya quérir Maffei, et lui témoigna tout alarmé la surprise qu'il avait du rapport de son Conclaviste. La conclusion d`un fort long discours se pouvant restrcindreà deux points, l'un, que M. le Grand Duc n’avait voulu entrer en cette affaire, que l’on n`avait pas parlé à Pise de donner à lui Cardinal de Médicis le secret d'Espagne (que je crois même qu’il n`a pas),qu`il ne lui avait été offert que dans le Conclave, et que Payant refusé d`abord, il avait été nécessité de le prendre sur une lettre de la Reine d`Espagne, l’autre qu'il donnerait en toute occasion des marques de son respect pour V. M. et pour chercher encore avec la satisfaction du Roi d’Espagne, celle de V. M.  

Sachant donc, Sire, qu`il faisait tout le contraire, je profitai de son dernier compliment, du quel feignant d’être persuadé, j'écrivis hier à M. le Cardinal de Retz pour le prier d'aller trouver de ma part le dit Cardinal, pour le remercier de toutes les honnétetés que j`avais reçu de sa part, et lui dire que voulant y correspondre, et lui faire connaître que je prenais autant de confiance en lui que l’Ambassadeur d`Espagne, je voulais lui confier un secret et lui dire que l’exaltation du Cardinal d’Elci ne pouvait être agréable à V. M. parce qu’elle ne pouvait avoir rapport à sa gloire, et que sachant tous les pas qu’il faisait pour cette affaire, je voulais qu’il me sùt assez de ses amis, pour lui éviter beaucoup de peine, et dans la suite, peut-étre beaucoup d`embarras.

J’écrivis en même temps au Cardinal d’Este de se plaindre en mon nom au Cardinal Chigi, de ce que nonobstant tout ce que je lui avait fait dire, même par lui Cardinal d`Este, ainsi que par d’autres, M(onsieu)r le Cardinal de Médicis continuait avec tant de chaleur ses poursuites pour d'Elci, que si lui, Chigi, en avait parlé au Cardinal de Médicis, il avait assez it se plaindre de lui d’agir contre sa volonté, et que si il ne lui en avait pas parlé, j'avais à me plaindre de lui, Chigi. 

Étant redevable à l’Ambassadeur de M' le Grand Duc d'une visite, je pris aussi la résolution de la lui rendre hier, pour, dans la conversation du Conclave, pouvoir lui faire pénétrer la mauvaise conduite du Cardinal de Médicis, et les conséquences, ce que je fis de manière, dans le discours, que le dit Ambassadeur me remerciant, me dit qu’il verrait aujourd`Imi le dit Cardinal, et qu’il ferait savoir à M' le Grand-Duc l' honnêteté avec laquelle j’en usais. Le même soir je vis Ravizza et me plaignis aussi à lui de Chigi, sur les poursuites de Médicis pour d’Elci, par les mêmes raisons, ci·devant déduites.

Mr le Cardinal de Retz aprés avoir communiqué ma lettre au Cardinal d`Este, fut parler à Médicis et lui fit mon compliment, l'ayant accompagné de tout son savoir·fairc, ce dont ledit Médicis fut frappé comme d’un coup de tonnerre. Il ne nia point les pratiques, mais il dit qu'il croyait que d'Elci était fort agréable à la France, parce qu'il avait vu entre ses mains, une lettre de ma part, la plus honnête du monde, à quoi (selon ce que j`avais dit une fois à lui Cardinal de Retz que cette raison m’avait été alléguée) il répondit que cette lettre était une réponse à une lettre fort honnête du dit Cardinal, mais qu’il lui voulait dire davantage, qui était : que le sujet de la civilité de ma lettre était ce qui paraissait le plus contre le Cardinal d’EIci, parce que je l’avais écrite sur le bruit qu’il était déjà Pape et que ce méme bruit appuyé sur de bonnes circonstances, était ce qui lui pouvait nuire davantage, étant juste que les Couronnes avent la part qui leur est due dans l’exaltation du Pape. Le Cardinal de Médicis qui avait été d`abord assez modéré par la surprise qu’il eut, sentant dans la suite le mal du coup que l’on lui portait, s'emporta un peu plus contre plusieurs Cardinaux qu'il croyait portés par la France, et particulièrement contre Vidoni, à quoi le Cardinal de Retz ne répondit autre chose, si non que la faction du Roi étant indépendante n’avait point d’affection pour aucune faction et qu`elle trouverait partout de quoi remplir la gloire de V. M. Cette conversation étant finie par de grands soupirs du dit. Médicis et des assurances qu’il ne ferait rien qui pût déplaire à V. M., laquelle j’assure, qu’en cette occasion comme en toutes autres l'on ne peut en user ni avec plus de zèle, ni avec plus d'application que fait Mt le cardinal de Retz.

ll serait à souhaiter, Sire, que je pusse avoir le même compte à rendre à V. M. sur M. le Cardinal d’Este, de la négociation du quel avec Chigi, je n’ai pu avoir les mêmes satisfactions. Venant de recevoir sa réponse, qui porte qu’il a fait d’abord quelques excuses à Chigi de ne lui avoir pas parlé des deux billets, que lui, Cardinal d`Este, avait reçus de moi du 26 et 27 janvier, par les quels je lui mandais l' impossibilité de l’exaltation de d’Elci, et de concourir pour lui., dont il venait lui parler, lui faisant voir sur cela et les deux premiers billets, et la lettre présente. ll me mande ensuite qu`il s’est plaint à Chigi des poursuites qu’il faisait pour d'Elci (et c’était de celles de Médicis, dont je l’avais chargé de se plaindre), que Chigi nie d’en avoir fait pour d'Elci et que les rapports que l`on m’en avait fait partaient de la part de ceux qui le voulaient mettre mal avec moi, pour lui ôter les bonnes grâces de V. M., cc qui change toute la face de l`affaire. Mais ce que je vois est qu`il a voulu éviter de prononcer à Chigi le nom de Médicis pour ne le pas brouiller, peut-être, ce que même j’avais prévu en ayant donné la commission à M. le Cardinal de Retz, et de plus, Sire, dans la crainte qu`il ne se fàchàt (comme il le pouvait, étant protecteur) de ce que je chargeais un autre que lui de cette commission. Je lui mandais que je ne voulais pas l’exposer, et que d’un protecteur à un autre, il serait difficile que cette affaire ne fit trop de bruit. Mais comme pour un de coup partie Chigi pourrait désavouer Ravizza, V. M. jugera mieux que nioi des inconvénients qui peuvent arriver lorsqu’un Protecteur avoue qu’il ne parle pas de ce que l’on lui mande, quoi qu’il réponde par ses billets qu'il exécute tout ce dont on lui écrit. Je m’en expliquerai demain, Sire, avec lui pour prévenir ce qui pourrait arriver dans la suite. Mais je vois peu de sûreté pour les affaires qu’il ménagera que d`avoir plusieurs cordes à son arc, attendant cependant la réponse de Ravizza, qui sera plus positive, et sur la quelle je pourrai prendre de plus solides mesures.

Voilà, Sire, l’histoire du jour, qui commence à faire quelque fracas dans Rome, mais voyant que contre tout ce que j’ai fait dire à Chigi, et les assurances qu`il m`a fait donner plusieurs fois par Ravizza que l’on ne parlerait pas de d`Elci, l`on continuait les négociations, et même qu’elles avançaient, et qu’il y aurait du risque à laisser aller plus loin ces sourdes pratiques, j`ai cru qu’il était difficile que l’on les pût arréter par des expédients qui fussent plus sûrs, et plus proportionnés à la gloire de V. M. Je dis, Sire, plus sûrs, parce que je me doute que tous les Espagnols et tous les Médicis ensemble se puissent relever d’un si rude coup, qui va changer la face du Conclave, toutes les lettres que j’ai reçues aujourd'l1ui, et que j’ai reçues portant qu’il va commencer aujourd`hui. Cependant, Sire, je crois trés difficile de prévoir où l' on se pourra déterminer par les fortes exclusions contre tous les trois sujets de la faction de Chigi. Le Cardinal Celsi par ses mœurs, et par Barberin, Bonvisi par Barberin, l’Escadron et Rospigliosi , et Vidoni par Chigi, les Espagnols et Médicis, Barberin méme n`y allant pas, mais sans exclusion. Si les difficultés ne sont pas si grandes dans les autres factions, le passage pour y aller est un défilé bien dangereux, dans le quel personne ne veut se hazarder. Ainsi, Sire, tout est présentement encore incertain, hors que je ne perds aucun moment à travailler avec soin sur tout ce qui peut étre de la faction de V. M. à la quelle j’oserai représenter, pour l'honneur de sa faction, l`état misérable où se trouve le Cardinal Maldachin par la longueur du Conclave, Ursin n’étant en beaucoup meilleur état, dont j`écris plus au long à M. Colbert ainsi que sur le sujet de quelques Palais .....


Signé : le duc de Chaulnes




 

 

 

 

July 16, 2014 12:53 PM                

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